mardi 12 juin 2012

Les OGM sont-ils le Diable ?


Les récentes découvertes publiées dans les magazines scientifiques en matière d’organismes génétiquement modifiés en appellent ou devraient en appeler à une réelle prudence. Non pas seulement à celle que l’on souhaite imputer systématiquement aux chercheurs et à leur responsabilité, mais au jugement hâtif que l’on porte sur la discipline elle-même. Car, amalgamant l’utilisation mercantile et capitaliste de certaines grandes sociétés monopolistiques et mondialisées, il y a réellement de quoi soulever de grands espoirs dans l’utilisation ciblée et localisée de la technologie OGM. A quel point une utilisation raisonnée et raisonnable de la technologie OGM peut ou pourrait favoriser une grande quantité de populations en graves difficultés ? Favoriser la résistance de plantes cultivées susceptibles de ne plus l’être dans les temps à venir, et éviter ainsi famines, misères et exodes ; ou du moins, en ralentir les effets. Les OGM sont-ils le Diable en tout et pour tout ? Je ne le crois pas.
Premièrement, essayons un peu d’y voir plus clair dans la méthode elle-même. En quoi consiste au juste la modification génétique du vivant ? Et bien, on pourrait répondre de la manière suivante : à reproduire artificiellement ce que la nature opère pour son compte dans le cadre de la sélection naturelle. Loin d’y voir une dangereuse suprématie de l’homme sur la nature, je n’y vois guère qu’une tentative d’orienter lasélection naturelle dans le sens des besoins humains. Car, que fait d’autre la nature lorsqu’elle s’adapte à des conditions devenues hostiles ? Que se passe-t-il lorsque, des suites d’une modification de l’environnement, une espèce en difficulté, finit par réapparaître dans sa splendeur après avoir été malmenée par le climat ou un prédateur particulier ? Et bien, la sélection naturelle a joué son rôle : tous les individus vulnérables d’une espèce particulière ont été décimés sauf ceux qui étaient déjà naturellement résistants à la menace. Les organismes survivants, immunisés par nature, en se multipliant entre eux, créent les conditions d’une évolution de l’espèce déclinante dans le sens de son adaptation. C’est le principe même de lasélection naturelle. C’est ce même mécanisme qui nous vaut, à l’échelle cellulaire, la résistance de plus en plus farouche de nos souches bactériennes et virales aux traitements antibiotiques et antiviraux. L’antibiotique éliminera toutes les souches vulnérables de la maladie, sauf celles qui, hasard de la génétique, s’y montreront résistantes. Toutes les autres ayant été anéanties, elles se multiplieront d’elles-mêmes et lègueront leur résistance aux nouvelles générations de cellules bactériennes. Celles-ci ne seront plus touchées par l’antibiotique en question, elles auront donc muté dans le sens de l’adaptation. On retrouve encore ici le principe manifestement universel de la sélection naturelle… Que fait donc d’autre le savant lorsqu’il intervient de lui-même dans le génome d’une plante ou d’un animal pour y apporter quelques modifications visant à favoriser cette même résistance ou adaptation ? Et bien, il recourt artificiellement à la sélection naturelle… Loin de se prendre pour Dieu, le savant ne fait qu’imiter le principe de la sélection naturelle tout en l’orientant dans le sens de ses nécessités ; car la nature pratique en permanence la modification génétique. Tout le temps, partout, et sans relâche ; mais elle ne le fait qu’à l’aveugle, ou, disons : de manière aléatoire et localisé. On le voit bien dans les hôpitaux, où la lutte contre les virus et autres bactéries s’organisent autour de leur résistance aux traitements, et on le voit aussi dans les plantations, lorsque des cultures modifiées génétiquement dans le but de résister aux assauts d’envahisseurs parasites, loin de les éradiquer tous, provoque en retour la résistance de quelques-uns et leur futur immunité totale… On assiste ici à un combat à armes égales entre l’homme et la nature, qui, en définitive, est remporté par la nature par le fait même de ladite sélection… On serait même tenté de dire au vu de cet échec patent que les OGM, tout au plus, ne font que contraindre les envahisseurs naturels à évoluer sans cesse dans le sens de l’adaptabilité… L’objectif semble pour le moins extrêmement tempéré... Mais comme je l’ai dit plus haut, il est différent domaine d’application des OGM qui s’avèrent plus heureux en résultats que l’éradication des parasites dans les cultures : orienter la sélection naturelle dans le sens des besoins humains, ce qui permet d’aider des espèces locales à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques, de même en médecine, d’ intervenir plus rapidement que ne le fait l’organisme et la nature (qui ne disposent d’aucune vision d’ensemble de leur action) pour en accélérer les effets d’adaptation, voir même de créer artificiellement des substances précieuses à l’organisme, comme l’insuline ou les globules rouges du sang. Et combien d’autres utilisations encore inexplorées de cette technique en effet révolutionnaire pour l’homme, bien que totalement coutumière pour la nature ?…

Ne jugeons pas trop vite négativement des prouesses possibles d’une telle méthode d’intervention artificielle ou naturelle, guidée par la main de l’homme. Je termine sur ce sujet en revenant sur le problème des cultures et de leur lutte – apparemment limitée -  contre les envahisseurs prédateurs. Je ne suis pas sûr que les OGM puissent être la solution à ce problème étant donné que les prédateurs sont dotés de la même arme évolutive que celles des scientifiques, et que, fort de leur propre évolution génétique par sélection, ils finissent toujours très vite par avoir le dessus sur la plante OGM. Selon moi, le problème se pose davantage sur le mode de la surproduction, d’une part, et sur celui, d’autre part, de la monoculture. La monoculture suscitant d’elle-même l’éradication de la biodiversité qui limite toujours l’hégémonie d’une espèce sur une autre, ouvre grande les  portes à une poignée de prédateurs pour se répandre et prospérer comme jamais ils n’auraient pu le faire naturellement. Le problème est donc davantage à résoudre sur le terrain de la rationalisation de l’agriculture post-productiviste, et sur le retour à la biodiversité qui réintégrera tous les prédateurs naturels aux prédateurs des cultures. Quitte peut-être à en réimplanter artificiellement ou à alterner les différents types de culture.

Pour prolonger la réflexion, quelques articles scientifiques illustrant l’utilisation positive qu’il peut être tiré de la technologie génétique, lutte contre le SIDA, contre le paludisme et la dengue, la grippe aviaire, confection d’agrocarburants, d’insuline, etc. Il va de soi que l’utilisation des OGM à des fins productivistes et marchants débouche sur des innovations absolument idiotes ou aberrantes qui se détournent fondamentalement de toute mission scientifique salvatrice.



                                                                

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