lundi 24 septembre 2012

OGM tueurs : et si le journalisme scientifique arrêtait de faire dans le sensationnalisme


LE PLUS. La récente parution d'un article contenant de prétendues révélations sur la nocivité des OGM a bouleversé le grand public. Et pour cause : des images choc de rats porteurs d'énormes tumeurs venaient en renfort visuel de cette dramatique révélation. Pourtant, comme l'explique Peggy Sastre, c'est l'exploitation médiatique de l'information qui est ici en cause, bien plus que les OGM eux-mêmes.


OGM (Paolo Giovannini/AP/SIPA)

Il y a visiblement quelque-chose dans l'esprit humain moyen qui aime les catastrophes, les révolutions et autres changements radicaux de paradigme, qu'ils soient négatifs (le monde court à sa perte, on va tous crever), ou positifs (il faut UN nouveau système, débarrasser impérativement le plancher de telle ou telle turpitude).

À tout prendre, ce sont peut-être ces dernières obsessions détergentes qui m'angoissent le plus, mais je vais peut-être garder cela pour plus tard (ou pas, bien évidemment).

Les OGM, instrument rêvé de nos psychoses de fin du monde

Depuis une petite semaine, donc, la France tremble : dans les colonnes de la maison-mère, c'est prouvé, c'est définitif, les OGM en veulent à notre vie. Donnez du maïs Monsanto arrosé de Roundup à des rats et ils seront déformés d'affreuses tumeurs qui écourteront dramatiquement leur existence.

Oui, tremblez, car sans qu'on vous le dise (on nous cache tout), d'impitoyables industriels déversent ces "poisons" dans notre alimentation, tout en sapant le génie agricole de nos ancêtres et... surtout ne zappez pas, prochainement, place au plus grand désastre sanitaire de tous les temps. Autant dire que ça va saigner, vu que notre glorieux gouvernement regarde cela de très, très près.

Ce dont je ne parlerai pas non plus, c'est de cet autre réflexe qui consiste à coller sur la production technoscientifique contemporaine (et donc, par définition, ses aléas) nos psychoses de fin du monde.

Peut-être qu'il faudrait même inventer un terme pour décrire la chose, je propose le "point gattacaca", sur le modèle du point Godwin : à tout débat/sujet/information portant sur ce qui se passe dans les laboratoires plus high-tech de la planète (bouh, ils ont des microscopes !), répondra le spectre de la science devenue folle et de l'humanité terrassée par les boîtes de Petri.

(Oui, j'aurais pu appeler la chose le "point terminatotor", mais que voulez-vous, il faut bien admettre que je suis un peu scatophile)

Par contre, il me paraît important (ou du moins intéressant) de souligner comment cette histoire d'OGM tueur (qui, heureusement, a rapidement montré ses limites) peut révéler un problème qui, personnellement, me donne régulièrement envie de m'encastrer le crâne dans mon clavier, comme d'autres choisissent de finir joyeusement leurs soirées sur des platanes.

La science n'est pas un film à grand spectacle

Ce souci, il pourrait se formuler assez simplement : non, la science et le sensationnel ne font pas bon ménage. Tellement, même, que plus les médias, les réseaux sociaux et autres vecteurs de l'information en rafale relayeront une découverte "inédite", qui fera l'effet d'une "bombe" et qui promettra de "révolutionner" n'importe quel monde (de la physique ou des petits pois), plus cette découverte aura, en elle-même, de chances de n'être qu'un tout petit pétard mouillé.

Outre les rats cancéreux bouffeurs d'OGM, il a récemment été question de neutrinos qui dépassaient la vitesse de la lumière et contredisaient Einstein (ce con), de la découverte duchaînon manquant qui allait claquer (enfin !) le bec à tous les créationnistes, quitte à utiliser une notion qui n'a aucun sens, vu que l'évolution n'est ni linéaire, ni graduelle...

Certains sujets sont, bien sûr, particulièrement susceptibles de déclencher ce genre d'insurrection théorique : tout ce qui a trait à des problématiques politiquement "chargées" – la santé (toujours publique), l'environnement, l'énergie, etc. Des domaines qui, vous l'aurez deviné, ouvrent les vannes de notre "inconscient collectif" qui, décidément, adore jouer à se faire peur.

Le problème, c'est que le processus scientifique appartient au temps long, qui n'est pas celui des scoops, des scandales, des exclusivités et des infos explosives. Une recherche n'est jamais unique(ou alors, c'est qu'elle est probablement mauvaise), un article scientifique est toujours un pont, un arrêt provisoire, entre des articles précédents et des observations futures. La validation d'une découverte, si découverte il y a, est lente, patiente et modeste, et le chemin est rempli d'impasses et de contradictions.

Certes, il paraît que rien de tout cela n'est très vendeur, médiatiquement parlant. Mais qui est responsable, le contenant ou le contenu ? Et si le camouflet des OGM cancérigènes nous permettait de réfléchir, vraiment, à notre façon de faire du journalisme scientifique ?

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