jeudi 28 mai 2015

Shell condamnée pour la plus grande catastrophe pétrolière de l’humanité




La Haute Cour de Justice de Londres a rendu son verdict dans le procès historique Shell contre Bodo. La multinationale a été déclarée légalement responsable pour les fuites de pétrole ayant dévasté le Delta du Niger en 2008 puis en 2009.
Crédit : Amnesty International
C’est la première fois que la maison mère de la compagnie pétrolière était attaquée en justice sur le sol anglais, et elle est aujourd’hui condamnée par une première décision de justice. Shell s’est toujours défendue en attribuant la faute aux voleurs de pétrole venus siphonner les pipelines, et qui ont déclenché les fuites.
Mais la loi indique clairement que la société était responsable de ses installations, et devait les protéger contre ce genre d’attaques, par le biais de moyens de surveillance adaptés et de gardes sur site. Cela n’a jamais été fait. Et si des vols venaient à être tout de même commis, comme ce fut vraisemblablement le cas, Shell avait le devoir de prévenir les autorités compétentes et de réparer les dégâts. Là encore, la multinationale n’a pas levé le petit doigt.
Résultat : eaux et terres sont pollués pour trente ans, dans une région où plus de 60% des habitants dépendent de leur milieu naturel pour vivre. Selon un rapport publié par les Nations Unies, il s’agit de la plus grosse catastrophe pétrolière et écologique de tous les temps. Coût de l’opération de nettoyage : environ 1 milliard d’euros. Reste à savoir qui payera la facture. Verdict définitif en mai 2015.
amnesty
3 questions à Jacques Viers, membre de la Commission acteurs économiques et droits humains à Amnesty International France.
Quelle est votre réaction quant à la condamnation de Shell ?
C’est une décision très importante que l’on attendait depuis longtemps. Elle signifie une reconnaissance de la responsabilité de Shell, y compris pour les vols de pétrole car il avait la garde de ses pipelines et ne l’a pas assurée. Mais même pour ces vols, Shell ment dans la majorité des cas comme l’indique notre rapport. Je pense que la compagnie va payer très cher et que cela peut même remettre en cause sa pérennité.
Quelles sont aujourd’hui les conséquences de ce désastre écologique pour la communauté Bodo ?
Rien n’a été fait depuis 2008. Les habitants ne peuvent ni pêcher, ni cultiver leurs terres car tout est pollué. Le taux de pollution au benzène est jusqu’à 900 fois supérieur à la normale ! Cette catastrophe sanitaire n’a pas encore développé toutes ses conséquences, notamment en terme de cancers. Encore plus alarmant, il semblerait que les fuites aient été sous-estimées, et que l’on assiste à une pollution digne d’un Exxon Valdez tous les ans depuis cinquante ans. Les fichiers Wikileaks en ont fourni la preuve.
Pensez-vous que cette jurisprudence va impacter de futurs procès ?
On espère bien sur que cela ouvre la voie à d’autres condamnations, mais on est encore dans une situation de coupure entre maisons mères et filiales, qui fait qu’on ne peut remonter que difficilement au siège social. Le droit anglais le permet et le cabinet d’avocat des plaignants a été très actif, mais en France ça ne serait pas possible. C’est pour cela que nous soutenons le projet de loi « Devoir de vigilance des entreprises multinationales » présenté en novembre dernier par 3 députés, et soutenu par tous les groupes de gauche. On espère que malgré les blocages sous la pression des lobbies dans les différents gouvernements, la loi va passer. Il faut une mise en œuvre pratique au niveau des Etats des principes des droits humains édictés par l’ONU (notamment les principes de RUGGIE). Le France s’y était engagée, et François Hollande avait renouvelé cette promesse pendant la campagne. Pour l’heure, on attend des résultats.
Anissa Duport-Levanti Journaliste

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire