lundi 28 mai 2012

Pestides un danger réel


Pesticides

Épandage aérien de pesticides. Ce mode d'épandage est celui qui est le plus susceptible de polluer l'air. Il est peu utilisé en Europe, mais fréquent aux États-Unis
Un produit phytosanitaire est une substance émise dans une culture pour lutter contre des organismes nuisibles. C’est un terme générique qui rassemble les insecticides, les fongicides, les herbicides, les parasiticides. Ils s’attaquent respectivement aux insectes ravageurs, aux champignons, aux « mauvaises herbes » et aux vers parasites.
Ils englobent donc les substances « phytosanitaires » ou « phytopharmaceutiques ».
Dans une acception plus large, comme celle de la règlementation européenne, ce peut être des régulateurs de la croissance, ou des substances qui répondent à des problèmes d’hygiène publique (par exemple les cafards dans les habitations), de santé publique (les insectes parasites poux, puces ou vecteurs de maladies telles que le paludisme et les bactéries pathogènes de l’eau détruites par la chloration), de santé vétérinaire, ou concernant les surfaces non-agricoles (routes, aéroports, voies ferrées, réseaux électriques…).

Sommaire

•            1 Étymologie
•             2 Historique
•             3 Consommation
•             3.1 Agriculture
•             3.2 Arme de guerre
•             4 Conception d’un pesticide
•             5 Les autres constituants : la formulation d’un pesticide
•             6 Effets sur la qualité des produits
•             7 Effets sur l’environnement
•             7.1 La dispersion des pesticides dans les sols
•             7.2 Les effets sur l’environnement
•             8 Effets sur la santé humaine
•             8.1 Les intoxications aigües
•             8.2 Les intoxications chroniques
•             8.3 Prévention et contrôle
•             9 Des plantes pesticides ?
•             10 Résistances aux pesticides
•             10.1 Définition
•             10.2 Résistance aux insecticides
•             10.3 Les facteurs de résistance
•             10.4 Stratégie de limitation de la résistance
•             11 Résidus
•             12 Étiquetage
•             13 Surveillance

Étymologie

Le mot pesticide a été créé en anglais, sur le modèle des nombreux mots se terminant par le suffixe -cide (latin -cida, du verbe latin caedo, caedere, « tuer »), et sur la base du mot anglais pest (animal, insecte ou plante nuisible), lequel provient (comme le français peste) du latin pestis qui désignait toute espèce de « fléau, calamité ».

Historique

La lutte chimique existe depuis des millénaires : l’usage du soufre remonte à la Grèce antique (1000 ans avant J.-C.) et l’arsenic est recommandé par Pline, naturaliste romain, en tant qu’insecticide. Des plantes connues pour leurs propriétés toxiques ont été utilisées comme pesticides (par exemple les aconits, au Moyen Âge, contre les rongeurs). Des traités sur ces plantes ont été rédigés (Ex : traité des poisons de Maïmonide en 1135). Les produits arsenicaux ou à base de plomb (Arséniate de plomb) étaient utilisés au XVIe siècle en Chine et en Europe.
Les propriétés insecticides du tabac étaient connus dès 1690. En Inde, les jardiniers utilisaient les racines de Derris et Lonchocarpus (roténone) comme insecticide. Leur usage s’est répandu en Europe vers 1900.
La chimie minérale s’est développée au XIXe siècle, fournissant de nombreux pesticides minéraux à base de sels de cuivre. Les fongicides à base de sulfate de cuivre se répandent, en particulier la fameuse bouillie bordelaise (mélange de sulfate de cuivre et de chaux) pour lutter contre les invasions fongiques de la vigne et de la pomme de terre, non sans séquelles de pollution sur les sols (cuivre non dégradable). Des sels mercuriels sont employés au début du XXe siècle pour le traitement des semences.
Structure chimique d’un insecticide, le DDT
Formule structurelle de l’atrazine, herbicide de la famille des triazines
Les pesticides (ici l’atrazine aux États-Unis) font l’objet d’usage géographiquement et temporellement ciblés, ce qui explique de fortes variations régionales et saisonnières dans la pollution de l’eau et de l’air par ces produits
L’usage et la préparation des pesticides fait l’objet de règlementation et précautions particulières, en raison de leur toxicité et parfois de l’inflammabilité des solvants
L’ère des pesticides de synthèse débute vraiment dans les années 1930, profitant du développement de la chimie organique de synthèse et de la recherche sur les armes chimiques durant la Première Guerre mondiale.
En 1874, Zeidler synthétise le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), dont Muller en 1939 établit les propriétés insecticides. Le DDT est commercialisé dès 1943 et ouvre la voie à la famille des organochlorés. Le DDT a dominé le marché des insecticides jusqu’aux début des années 1970.
En 1944, l’herbicide 2,4-D, copié sur une hormone de croissance des plantes et encore fortement employé de nos jours, est synthétisé.
La Seconde Guerre mondiale a généré, à travers les recherches engagées pour la mise au point de gaz de combat, la famille des organophosphoré qui, depuis 1945, a vu un développement considérable encore de mise aujourd’hui pour certains de ces produits, tel le malathion.
En 1950-1955 se développe aux États-Unis les herbicides de la famille des urées substituées (linuron, diuron), suivis peu après par les herbicides du groupe ammonium quaternaire et triazines.
Les fongicides du type benzimidazole et pyrimides datent de 1966, suivi par les fongicides imidazoliques et triazoliques dits fongicides IBS (inhibiteurs de la synthèse des stérols) qui représentent actuellement le plus gros marché des fongicides.
Dans les années 1970-80 apparaît une nouvelle classe d’insecticides, les pyréthrinoïdes qui dominent pour leur part le marché des insecticides.
Auparavant, la recherche de matières actives se faisait au hasard en soumettant de nombreux produits à des tests biologiques. Lorsque un produit était retenu pour ces qualités biocides, on cherchait à en améliorer l’efficacité à travers la synthèse d’analogues. Cette procédure a permis de développer les techniques de synthèse qui sont de mise aujourd’hui.
Désormais, l’accent est mis sur la compréhension des modes d’action et la recherche de cibles nouvelles. Connaissant les cibles, on peut alors établir des relations structure-activité pour aboutir à l’obtention de matières actives. Ceci est possible grâce au développement de la recherche fondamentale dans les domaines de la biologie et de la chimie et aux nouveaux outils fournis par la chimie quantique, les mathématiques et l’informatique qui permettent la modélisation de ces futures molécules.
Actuellement, on assiste à une consolidation du marché au niveau des familles les plus récemment découvertes avec la recherche de nouvelles propriétés. Dans le même temps, de nouvelles cibles physiologiques de l’animal ou du végétal sont explorées dans le but de développer des produits à modes d’action originaux, des produits issus de la biotechnologie ou des médiateurs chimiques.

Consommation

Depuis le 1er juillet 2010 la FAO a ouvert gratuitement à tous (sur simple enregistrement) sa base de données Pesticides dans l’outil FAOSTAT (la plus vaste base de données mondiale sur l’alimentation, l’agriculture et la faim).
Agriculture
Les quantités de pesticides utilisés dans le monde augmentent régulièrement depuis 60 ans. Ils semblent diminuer dans certains pays en Europe, mais à dose ou poids égal, les matières actives d’aujourd’hui, sont généralement beaucoup plus efficaces que celles des décennies précédentes ; la France reste, en 2006, le deuxième consommateur mondial de pesticides, et troisième en 2007. Presque autant que les États-Unis mais avec une surface agricole 10 fois plus petite.
Les molécules commercialisées évoluent, pour contourner les résistances (des insectes, champignons ou végétaux), pour remplacer des produits interdits en raison de leur toxicité, ou quand des molécules a priori intéressantes viennent en remplacer d’autres.
Les pesticides les plus utilisés (en termes de quantité) sont les désherbants.
La molécule active la plus vendue comme désherbant et la plus utilisée dans le monde est le glyphosate.
La France est (avec les Pays-Bas) parmi ceux qui consomment le plus de pesticides par hectare. En 2007 la France était menacée d’une amende de 28 millions d’euros, par la commission européenne, pour non respect des règles européennes en matière de pesticide [4]Le Grenelle de l’environnement (2007) demandait de réduire de de 50% les quantités utilisées, si possible avant 2018. Une réduction de 30% des pesticides serait possible en France, avec des changements de pratiques importants mais sans bouleveser les systèmes de production, selon une étude “Ecophyto R&D”, commandée par les ministres en charge de l’Agriculture et de l’Environnement à une équipe coordonnée par l’INRA, suite au Grenelle de l’environnement. Néanmoins, selon l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes), avec 63.700 t de matière active vendue dans l’année, le marché a chuté de 19 % (en volume en 2009). Les fabricants invoquent les hausse de prix, une moindre pression parasitaire, de bonnes conditions climatiques (dont un printemps froid) ou la chute des revenus des agriculteurs exploitant de grandes cultures. La loi Grenelle II prévoit que « le Gouvernement transmet chaque année au Parlement et rend public un rapport sur le suivi des usages agricoles et non agricoles des produits phytopharmaceutiques en France, ainsi que sur les avancées de la recherche agronomique dans ce domaine ». Ce rapport fera un point annuel sur la diffusion des alternatives aux pesticides auprès des agriculteurs, sur la recherche appliquée et la formation, mais aussi sur « la santé des agriculteurs et des salariés agricoles, et des résultats du programme de surveillance épidémiologique tels que définis à l’article 31 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement. Ce rapport évalue l’impact sanitaire, environnemental, social et économique de ces usages. Il précise la portée de chaque nouvelle norme relative aux produits phytopharmaceutiques adoptée en France au regard des règles communautaires et des pratiques dans l’Union européenne ».
Arme de guerre
L’agent orange est le surnom donné au plus utilisé des herbicides employés par l’armée des États-Unis lors de la guerre du Viêtnam, en particulier entre 1961 et 1971.

Conception d’un pesticide

•             Un pesticide est composé d’un ensemble de molécules comprenant :
•              une (ou plusieurs) matière active à laquelle est dû, en tout ou en partie, l’effet toxique.
•              un diluant qui est une matière solide ou un liquide (solvant) incorporé à une préparation et destiné à en abaisser la concentration en matière active. Ce sont le plus souvent des huiles végétales dans le cas des liquides, de l’argile ou du talc dans le cas des solides. Dans ce dernier cas le diluant est dénommé charge.
•              des adjuvants qui sont des substances dépourvues d’activité biologique, mais susceptibles de modifier les qualités du pesticide et d’en faciliter l’utilisation.
Il existe de par le monde près de 100 000 spécialités commerciales autorisées à la vente, composées à partir de 900 matières actives différentes. 15 à 20 nouvelles matières actives s’y rajoutent tous les ans.
Les propriétés d’un pesticide découlent pour l’essentiel de la structure de sa matière active. Celle-ci présente 3 parties (ce découpage est artificiel, aucune partie ne pouvant être littéralement séparée) :
•             une structure active, qui assure le pouvoir pesticide.
•             des fonctions chimiques assurant la plus ou moins grande solubilité dans l’eau.
•             une partie support pour les deux autres conditionnant la solubilité dans l’huile.
Cette notion de solubilité est importante car c’est l’affinité d’un pesticide pour l’eau ou les corps gras qui va conditionner sa pénétration dans l’organisme ciblé.

Les autres constituants : la formulation d’un pesticide

La formulation d’un pesticide vise à présenter la matière active sous une forme permettant son application en lui ajoutant des substances destinées à améliorer et faciliter son action. Ce sont les adjuvants. Ils comprennent des tensio-actifs, des adhésifs, des émulsionnants, des stabilisants, des antitranspirants, des colorants, des matières répulsives, des émétiques (vomitifs) et parfois des antidotes.
•             La formulation d’un pesticide doit répondre à 3 objectifs essentiels :
•              assurer une efficacité optimale à la matière active : la matière active doit accéder dans les meilleures conditions à sa cible biochimique, c’est-à-dire y parvenir le plus rapidement possible avec le minimum de perte. On limite ainsi sa dispersion dans l’environnement (coût écologique) et le dosage à l’hectare nécessaire (coût économique). Dans ce but on améliore le contact avec l’organisme cible par l’adjonction d’agents mouillants (Les « mouillants » sont des adjuvants qui améliorent l’étalement du pesticide sur la surface traitée. Ils diminuent l’angle de contact des gouttelettes avec le support végétal (ou animal), avec deux conséquences : une meilleure adhésion et une plus grande surface de contact et d’action. Pour les produits systémiques, on cherche à améliorer la vitesse et les équilibres de pénétration ainsi que le transport des produits dans la plante. La formulation peut également améliorer l’efficacité biologique de la molécule active par des effets de synergie, des additifs qui retardent sa dégradation, prolongeant ainsi sa durée d’action. Inversement, d’autres additifs peuvent accélérer son élimination par les plantes à protéger ou dans le sol.

limiter les risques d’intoxication pour le manipulateur : en recherchant une toxicité minimale par contact et inhalation, en prévenant les ingestions accidentelles par l’adjonction de colorant, de répulsif, d’antidote ou de vomitif (cas du Paraquat au Japon qui est de couleur bleu et pourvu d’un vomitif). Dans le cas des liquides, les solvants les moins toxiques sont retenus. La dilution de la matière active est d’autant plus forte que cette dernière est hautement toxique.
•             rentabiliser la matière active : le solvant employé par l’utilisateur est généralement peu coûteux et facilement disponible. Divers additifs améliorent la conservation au stockage et/ou évitent la corrosion du matériel d’épandage.
Un code international de 2 lettres majuscules, placées à la suite du nom commercial indique le type de formulation. Les principaux types de formulation sont les suivants :
•             Les présentations solides :
•              Les poudres mouillables (WP) : la matière active est finement broyée (solide) ou fixée (liquide) sur un support adsorbant ou poreux (silice). Des agents tensio-actifs (dodécylbenzène, lignosulfonate de Ca, Al ou Na) et des charges de dilution (kaolin, talc, craie, silicate d’aluminium et magnésium ou carbonate de Ca) sont ajoutés ainsi que des agents antiredépositions, anti-statique ou anti-mousse. Des stabilisateurs (anti-oxygène et tampon pH) sont inclus pour les rendre compatibles avec d’autres préparations. Ces poudres doivent être dispersées dans l’eau au moment de l’emploi.
•              Les granulés à disperser (WG) : granulés obtenus par l’agglomération avec un peu d’eau de matière active, de charge et d’agents liants et dispersants, suivi d’un séchage. Ces poudres doivent être dispersées dans l’eau au moment de l’emploi.
•              Les micro-granulés (MG) : identiques aux WG mais d’une taille plus petite (0,1 à 0,6 mm).
•             Les présentations liquides :
•              Les concentrés solubles (SL) : c’est une solution de matière active à diluer dans l’eau, additionnée d’agents tensio-actifs.
•             Les suspensions concentrées (SC) : les matières actives solides, insolubles dans l’eau sont maintenues en suspension concentrée dans l’eau, en présence de mouillants, de dispersants, d’épaississants (bentonite, silice) ou d’agent anti-redéposition, d’antigel (éthylène glycol, urée) d’antimoussants et parfois de bactéricides (méthanal ou formol). Ces préparations sont diluées dans l’eau au moment de l’emploi.
•              Les concentrées émulsionnables (EC) : les matières actives sont mises en solution concentrée dans un solvant organique et additionnée d’émulsifiants chargés de stabiliser les émulsions obtenues au moment de l’emploi par dilution dans l’eau.
•              Les émulsions concentrées (EW) : la matière active est dissoute dans un solvant organique. La solution additionné d’agents émulsifiants est dispersée dans une petite quantité d’eau. Cette présentation est moins toxique et moins inflammable que les concentrés émulsionnables.

Effets sur la qualité des produits

C’est une question débattue.
Les fabricants estiment que les pesticides améliorent la qualité des produits, notamment en réduisant le risque de développement de certaines bactéries ou champignons produisant des toxines.
Les détracteurs des pesticides ou de leur utilisation systématique arguent que :
1.            nombre de ces pathogènes développent peu à peu des résistances aux pesticides, comme les microbes le font face aux antibiotiques trop utilisés;
2.            les résidus de pesticides accumulés sur et dans les végétaux ou les produits animaux pourraient poser des problèmes pour la santé;
3.            les résidus de pesticides pourraient poser problème pour les animaux qui consomment les déchets de l’industrie agroalimentaire;
4.            les sols qui se dégradent sous l’action des pesticides finissent par produire des fruits et légumes de moindre qualité.
Selon une étude de l’Université de Californie, publiée dans la revue Chemistry & Industry (26 mars 2007), des chercheurs ont comparé les kiwis d’un même verger produits au même moment, les uns en agriculture bio, et les autres avec des pesticides. À la récolte, les kiwis « bio » contenaient significativement plus de vita¬mine C, plus de minéraux et plus de polyphénols (composés organiques supposés « bons pour la santé », car réduisant la formation de radicaux libres). Les chercheurs estiment que les kiwis non traités développent mieux leurs mécanismes de défense ; étant plus stressés, ils fabriquent par exemple plus d’antioxydants.

Effets sur l’environnement

La dispersion des pesticides dans les sols
Lors d’un traitement, plus de 90 % des quantités utilisées de pesticides n’atteignent pas le ravageur visé. L’essentiel des produits phytosanitaires aboutissent dans les sols où ils subissent des phénomènes de dispersion. Les risques pour l’environnement sont d’autant plus grands que ces produits sont toxiques, utilisés sur des surfaces et à des doses/fréquences élevées et qu’ils sont persistants et mobiles dans les sols.
Le sol comporte des éléments minéraux et organiques ainsi que des organismes vivants. Dans le sol, les pesticides sont soumis à l’action simultanée des phénomènes de transferts, d’immobilisation et de dégradation.
Les phénomènes de transfert
•             Les transferts à la surface du sol ne concernent qu’une faible part des produits appliqués (généralement moins de 5 %). Ils contribuent à la pollution des eaux de surface lorsqu’ils sont entrainés, soit à l’état dissout ou retenu sur des particules de terre elles-mêmes entrainées.
Les transferts dans le sol sont les plus importants. Ils y sont entrainés par l’eau de pluie et s’y déplacent selon la circulation de l’eau. Ces déplacements varient beaucoup selon le régime hydrique, la perméabilité des sols, la nature du produit. Par exemple, en sol limoneux, l’aldicarbe est une substance très mobile tandis que le lindane ne migre pas(la limite d’utilisation de l’aldicarbe a été fixée au 31/12/07,et sera interdite d’utilisation passé cette date, de même que le lindane qui a une interdiction depuis le 20/06/02 date de mise en vigueur)
Les phénomènes d’immobilisation
•             Ce phénomène est dû à l’adsorption, qui résulte de l’attraction des molécules de matière active en phase gazeuse ou en solution dans la phase liquide du sol par les surfaces des constituants minéraux et organiques du sol. De nombreux facteurs influencent sur la capacité d’adsorption d’un sol, liés soit aux caractéristiques de la molécule, soit à celles du sol (composants minéraux et organiques, pH, quantité d’eau). De même, les phénomènes de désorption qui correspond à la libération de la molécule dans le sol (phénomène inverse de l’adsorption).
Les pesticides sont en majorité adsorbés rapidement par les matières humiques du sol (colloïdes minéraux et organiques). Une molécule adsorbée n’est plus en solution dans la phase liquide ou gazeuse. N’étant plus disponible, ses effets biologiques sont supprimés ; elle n’est plus dégradée par les micro-organismes du sol ce qui augmente sa persistance. Elle n’est plus entrainée par l’eau, ce qui empêche la pollution de cette dernière. Sa désorption lui rend toutes ses capacités biotoxiques. Plus fortement retenu en général dans les sols argileux ou riche en matières organiques.
Les phénomènes de dégradation
•             Le sol est un écosystème qui possède une capacité de détoxification très élevée. Les processus de dégradation des matières actives aboutissent finalement à l’obtention de molécules minérales telles que H2O, CO2, NH3
La dégradation est assurée principalement par les organismes biologiques de la microflore du sol (bactéries, actinomycètes, champignons, algues, levures), celle-ci pouvant atteindre 1 t de matière sèche à l’hectare. Son action s’exerce surtout dans les premiers centimètres du sol. Il existe également des processus physiques ou chimiques de dégradation, tel que la photodécomposition. Ces actions contribuent à diminuer la quantité de matière active dans le sol et donc à réduire les risques de pollution. La cinétique de dégradation d’une molécule donnée est déterminée en estimant la persistance du produit. Pour cela, on détermine sa demie vie qui est la durée à l’issue de laquelle sa concentration initiale dans le sol a été réduite de moitié. Cette demie vie peut varier avec la température, le type de sol, l’ensoleillement, etc : ainsi, celle du DDT est d’environ 30 mois en région tempérée et de 3 à 9 mois sous climat tropical.
Le lindane, le DDT et l’endrine se dégradent en quelques semaines dans les sols inondés des rizières, au contraire de l’aldrine, de la dieldrine et du chlordane.
Les sols se comportent comme un filtre actif en assurant la dégradation des produits phytosanitaires, et sélectif, car ils sont capables de retenir certains de ces produits.
En exemple, nous citerons le cas de l’oxychlorure de cuivre qui s’accumule dans les sols et qui a entrainé la stérilisation de 50 000 ha de certains sols de bananeraies au Costa Rica.
Les effets sur l’environnement
Ils sont complexes, immédiats ou différés dans l’espace et dans le temps, et varient selon de nombreux facteurs, dont en particulier :
•             La toxicité et écotoxicité de la matière active, des surfactants ou adjuvants associés, de leurs produits de dégradation (parfois plus toxiques que la molécule-mère) et/ou de leurs métabolites ;
•             Une action synergique éventuelle avec d’autres polluants ou composés de l’environnement ou de l’organisme touché ;
•             La durée de demi-vie de la matière active ou des métabolites (si la matière active est biodégradable ou dégradable) ;
•             Le temps d’exposition et la dose (exposition chronique à faible dose, exposition à des doses élevées durant un temps bref) ;
•             La sensibilité relative des organes, de l’organisme, de l’écosystème exposé, au moment de l’exposition et dans la durée si le produit ou ses effets sont rémanents ; A des doses ne montrant aucun effet aîgu sur les adultes, des effets de perturbation endocrinienne peuvent nuire à la reproduction d’espèces agronomiquement importantes (vers de terre par exemple) ;
•             L’âge de l’organe ou l’organisme exposé (l’embryon, le fœtus, les cellules en cours de multiplication sont généralement plus sensible aux toxiques).
Les pesticides peuvent être responsables de pollutions diffuses et chroniques et/ou aigües et accidentelles, lors de leur fabrication, transport, utilisation ou lors de l’élimination de produits en fin de vie, dégradés, inutilisé ou interdits.
Les pesticides, leurs produits de dégradation et leurs métabolites peuvent contaminer tous les compartiments de l’Environnement;
•             Air (extérieur, intérieur), comme l’a notamment montré une étude faite sur 3 ans par l’Institut Pasteur de Lille, dans le nord de la France à partir de 586 prélèvements faits sur 3 sites différents (3 gradients de population/urbanisation et d’intensité de l’agriculture).
•             Eaux (salées, saumâtres, douces, de nappe, de surface). Les eaux météoritiques (pluies, neige, grêle, brume, rosée sont également concernées),
•             Sol. Certains pesticides peu dégradables sont fortement adsorbés sur les sols qu’ils peuvent polluer durablement (chlordécone, paraquat par exemple).
Certains pesticides rémanents peuvent, longtemps après leur utilisation, persister et passer d’un compartiment à l’autre ; soit passivement (désorption, évaporation, érosion…) soit activement via des processus biologiques (métabolisation, bioturbation, bioconcentration, etc.). C’est le cas par exemple du DDT qu’on retrouve encore des décennies après son interdiction dans certaines régions, éloignées de toute source de pollution directe.
On les trouve sous forme de « résidus » (molécule mère, produits et sous-produits de dégradation ou métabolites) dans nos aliments et boissons. Des lois ou directives européennes imposent des seuils à ne pas dépasser, dont dans l’eau potable.

Effets sur la santé humaine

Les intoxications aigües
Le délai qui sépare l’exposition au produit et l’apparition des troubles est relativement court, de quelques heures à quelques jours, permettant le plus souvent de relier les effets à la cause.
Les dérivés organochlorés induisent tout d’abord des troubles digestifs (vomissement, diarrhée) suivis par des troubles neurologiques (maux de tête, vertige) accompagnés d’une grande fatigue. À ceux-ci succèdent des convulsions et parfois une perte de conscience. Si le sujet est traité à temps, l’évolution vers une guérison sans séquelles survient généralement. L’intoxication aiguë avec ce type de produit est relativement rare, à moins d’ingestion volontaire (suicide) ou accidentelle (absorption par méprise, dérive de nuage, jet de pulvérisateur…).
Les dérivés organophosphorés ainsi que les carbamates, en inhibant la cholinestérase, induisent une accumulation d’acétylcholine dans l’organisme débouchant sur une hyperactivité du système nerveux et à une crise cholinergique. Les signes cliniques sont des troubles digestifs avec hypersécrétion salivaire, nausée, vomissement, crampes abdominales, diarrhée profuse. Il y a de plus des troubles respiratoires avec hypersécrétion bronchique, toux et essoufflement. Les troubles cardiaques sont une tachycardie avec hypertension puis hypotension. Les troubles neuromusculaires se traduisent par des contractions fréquentes et rapides de tous les muscles, des mouvements involontaires, des crampes puis une paralysie musculaire générale. La mort survient rapidement par asphyxie ou arrêt cardiaque. Un antidote spécifique existe pour cette catégorie de produit : le sulfate d’atropine qui neutralise rapidement les effets toxiques.
Chez l’adulte, les produits rodenticides à base d’anticoagulants n’entrainent généralement pas -à moins d’absorption massive à but suicidaire- de troubles de la coagulation, ni d’hémorragie. Par contre, chez l’enfant, des hémorragies graves peuvent survenir. Ils agissent en abaissant le taux de prothrombine dans le sang, nécessaire à la formation du caillot sanguin, entrainant ainsi des hémorragies internes. Les symptômes apparaissent après quelques jours pour une dose élevée, après quelques semaines pour des prises répétées: sang dans les urines, saignement de nez, hémorragie gingivale, sang dans les selles, anémie, faiblesse. La mort peut survenir dans les 5 à 7 jours qui suivent.
Selon la Mutualité sociale agricole (MSA) et le laboratoire GRECAN, de premières études MSA ont conclu en France qu’environ 100 à 200 intoxications aiguës (irritations cutanées, troubles digestifs, maux de têtes) par an sont imputées aux pesticides.
Les intoxications chroniques
Atteintes dermatologiques : rougeurs, démangeaisons avec possibilité d’ulcération ou de fissuration, urticaire sont très fréquemment observées, touchant plutôt les parties découvertes du corps (bras, visage). Nombre de produits provoquent des problèmes cutanés, dont les roténones responsables de lésions sévères au niveau des régions génitales.
Atteintes neurologiques : les organochlorés font apparaitre une fatigabilité musculaire, une baisse de la sensibilité tactile. Les organophosphorés entrainent à long terme des céphalées, de l’anxiété, de l’irritabilité, de la dépression et de l’insomnie, alliés parfois à des troubles hallucinatoires. Certains provoquent une paralysie, comme les dérivés mercuriels ou arsenicaux.
Troubles du système hématopoïétique : les organochlorés peuvent provoquer une diminution du taux de globules rouges et de globules blancs, avec risque de leucémie.
Atteintes du système cardiovasculaire : les organochlorés développent des phénomènes de palpitation et de perturbation du rythme cardiaque.
Atteintes du système respiratoire : ces atteintes sont souvent en relation avec les phénomènes d’irritation engendrés par bon nombre de pesticides, favorisant ainsi les surinfections et être à l’origine de bronchites, rhinites et pharyngites.
Atteintes des fonctions sexuelles : un nématicide (DBCP) a provoqué chez les employés de l’usine où il est synthétisé un nombre important de cas d’infertilité. D’autres substances semblent impliquées dans la délétion croissante de la spermatogenèse, soit directement comme reprotoxiques soit à faible doses ou via des cocktails de produits comme perturbateur endocrinien. Dans ce cas, l’embryon peut être touché, même par une exposition à de faibles doses (anomalies génitales, et peut-être risque augmenté de certains cancers et de délétion de la spermatogenèse chez le futur adulte).
Risques fœtaux : des pesticides franchissent la barrière placentaire et ont une action tératogène sur l’embryon. C’est le cas du DDT, du malathion, des phtalimides (fongicide proche de la thalidomide). Il peut survenir des accouchements prématurés ou des avortements, ainsi que des malformations de l’appareil génital du garçon. Il est conseillé à la femme enceinte d’éviter tout contact avec des pesticides entre le 23e et le 40e jour de la grossesse, mais certains produits ont une longue durée de demie-vie dans l’organisme (lindane, DDT par exemple).
Craintes de perturbations hormonales : Certains pesticides se comportent comme des « leurres hormonaux ». Chez 100 % des 308 femmes enceintes espagnoles, ayant ensuite donné naissance à des enfants jugés en bonne santé entre 2000 et 2002, on a trouvé au moins un type de pesticide dans le placenta (qui en contenait en moyenne 8, et jusqu’à 15, parmi 17 pesticides recherchés, organochlorés, car étant aussi des perturbateurs endocriniens). Les pesticides les plus fréquents étaient dans cette étude le 1,1-dichloro-2,2 bis (p-chlorophényl)-éthylène (DDE) à 92,7 %, le lindane à 74,8 % et l’endosulfan-diol à 62,1 % (Le lindane est interdit, mais très persistant).
Maladies neurodégénératives : Une étude publiée en 2006 a conclu à une augmentation des risques de maladie de Parkinson suite à l’exposition à certains pesticides, notamment… L’exposition aux pesticides augmenterait le risque de maladie de Parkinson de près de 70 % : 5 % des personnes exposées aux pesticides risqueraient de développer la maladie contre 3 % pour la population générale. Cette maladie est d’ailleurs plus fréquente en milieu rural qu’en milieu urbain. On ne dispose malgré tout d’aucune étude épidémiologique incriminant un produit particulier dans la maladie de Parkinson. En France, cette maladie ne figure cependant dans aucun tableau de Maladie Professionnelle mais un cas récent pourrait faire jurisprudence.
Cancers : Le GRECAN a mis en évidence un plus faible nombre de cancers chez les agriculteurs que dans la population générale, mais avec une occurrence plus élevée de certains cancers (prostate, testicules, cerveau (gliomes)…). Une étude commencée en 2005 est en cours et concerne le suivi de 180 000 personnes affiliées à la Mutualité sociale agricole (MSA). Il existe dans le monde une trentaine d’études qui montrent toutes une élévation du risque de tumeurs cérébrales. Selon l’INSERM il semble exister une relation entre cancer du testicule et exposition aux pesticides.
L’étude d’Isabelle Baldi : Une étude a conclu mi-2007 que le risque de tumeur cérébrale est plus que doublé chez les agriculteurs très exposés aux pesticides (tous types de tumeurs confondues, le risque de gliomes étant même triplé). Les habitants utilisant des pesticides sur leurs plantes d’intérieur ont également un risque plus que doublé de développer une tumeur cérébrale. L’étude ne permet pas de dire si un produit ou une famille de pesticide serait plus responsable que d’autres, mais l’auteur note que 80 % des pesticides utilisés par les vignerons sont des fongicides.
Une autre étude[18], portant sur la population masculine française, établit des liens statistiques entre les pesticides employés et les lymphomes développés, et montre que l’incidence des lymphomes est deux à trois fois plus élevée parmi les agriculteurs.
Au niveau moléculaire, une étude française a démontré qu’il existait une relation entre l’exposition professionnelle aux pesticides et l’acquisition d’une anomalie chromosomique connue pour être l’une des étapes initiales de certains cancers.
Prévention et contrôle
Les agriculteurs effectuant les épandages sont les personnes les plus exposées à un impact sur leur santé. Lors des épandages, il leur est couramment recommandé de porter une combinaison et des gants adaptés à ce pesticide, ainsi qu’un masque de protection lors de la préparation.
Cependant, ces combinaisons sont peu portées, car elles présentent des inconvénients rédhibitoires : peu adaptées à la diversité des tâches de l’agriculteur, elles constituent une source d’inconfort, notamment thermique, favorisent la sudation et la rémanence des imprégnations. Dans certains cas, même, les porteurs d’une telle combinaison sont plus contaminés que ceux qui ne la portent pas. Enfin, les combinaisons, et plus particulièrement le masque, exigent un entretien peu aisé.
Par ailleurs, l’usage d’une combinaison est susceptible de nuire à l’image de l’exploitation agricole : les habitants voisins peuvent se sentir menacés par les épandages, les consommateurs peuvent associer cette tenue à une mauvaise qualité de la production. Ce risque social constitue un facteur supplémentaire dissuadant souvent l’épandeur d’utiliser cette protection.
Dans les tracteurs, les cabines pressurisées climatisées, bien que coûteuses, fournissent un complément de protection. Elles présentent cependant elles aussi des défauts d’utilisabilité et ne constituent pas une protection suffisante.
Pour pallier ces limitations, des pratiques informelles sont mises en œuvre : La limitation des durées d’exposition est la première précaution. Souvent, l’odeur est un repère important d’exposition au danger, bien que tous les pesticides n’aient pas d’odeur, et qu’une substance peut être nocive en deçà du seuil de sensibilité. Les personnes sensibles, notamment les femmes enceintes, peuvent être mises à l’écart des zones que l’on sait traitées.
Concernant la protection des consommateurs et les contrôles ;
•             En Europe, le programme Physan (Phyto-Sanitary Controls) regroupe :
- une base de donnée qui renforce d’autres bases. Elle regroupe les données issues de la mise en œuvre de la législation relative aux contrôles de l’UE sur les cultures, les produits végétaux, les semences et variétés végétales, ainsi que des pesticides.
- le Réseau européen des systèmes d’information sur la protection des végétaux (EUROPHYT), qui fournit des renseignements sur la santé des plantes;
- PEST (I, II, III, IV et V) – Physan Pesticides, relatif aux notifications de résidus de pesticides par la Commission européenne et par les administrations compétentes ou autorisées des États membres ;
- CAT (I et II) – Physan Catalogue, qui met à jour des catalogues de produits de semences commercialisés librement;
- FEED (I et II) – Physan Feedingstuff (Physan aliments composés), focalisé sur l’utilisation et la commercialisation d’additifs pour l’alimentation animale.
•             En France, depuis 2006, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) est chargée de tester les pesticides mis sur le marché, avant leur homologation. Ainsi, l’Afssa a interdit en 2001 le traitement des vignes à l’arsenic après la découverte de pathologies suspectes.
Les enfants sont particulièrement vulnérables. Selon une étude publiée en 2008 par l’EPA, beaucoup de bébés ne développent pas de capacité à métaboliser (dégrader) les pesticides qu’ils ont absorbés durant les 2 premières années de leur vie, ce qui les expose particulièrement. L’EPA a interdit deux pesticides domestiques aux USA (Diazinon et Chlorpyrifos), ce qui a conduit à une rapide décroissance de ces produits et de l’exposition de ces produits à New York, où les enfants se montrent en meilleure santé depuis l’interdiction de ces produits. De plus, par kg de poids corporel, comme pour la plupart des toxiques, les enfants en respirent et en absorbent plus (en moyenne) que les adultes.

Des plantes pesticides ?

Article détaillé : Compagnonnage (botanique).
De nombreuses plantes produisent naturellement des substances pour se protéger : ainsi le tabac produit l’insecticide nicotine, et le chrysanthème de la pyréthrine. Cette logique a été poussée plus loin par l’introduction de plantes génétiquement modifiées qui produisent elles aussi, généralement tout au long de leur cycle de croissance, leurs propres matières actives (ainsi le Bt, une protéine insecticide produite à l’origine par une bactérie, qui est produite dans la plante génétiquement modifiée au niveau des racines, tiges, feuilles et pollen, mais pas dans la graine) ou des substances fongicides ou bactéricides. Cependant, la question se pose s’il faut classer ces organismes artificiellement créés parmi les pesticides.

Résistances aux pesticides

Définition
La résistance aux pesticides est la résultante d’une sélection d’organismes tolérant des doses qui tuent la majorité des organismes normaux. Les individus résistants se multiplient en l’absence de compétition intraspécifique et ils deviennent en très peu de générations les individus majoritaires de la population.
La résistance est définie par l’OMS comme « l’apparition dans une population d’individus possédant la faculté de tolérer des doses de substances toxiques qui exerceraient un effet létal sur la majorité des individus composant une population normale de la même espèce ».
Elle résulte de la sélection, par un pesticide, de mutants qui possèdent un équipement enzymatique ou physiologique leur permettant de survivre à des doses létales de ce pesticide.
Un pesticide se contente de sélectionner la résistance, mais ne la crée pas.
Résistance aux insecticides
Depuis le premier cas enregistré (résistance du pou de San José aux polysulfures dans les vergers de l’Illinois en 1905) les cas de résistance ont augmenté de manière exponentielle : 5 cas en 1928, 137 en 1960, 474 en 1980. En 1986, 590 espèces animales et végétales présentaient une résistance : 447 espèces d’insectes ou d’acariens, une centaine de pathogènes des végétaux, 41 espèces de mauvaises herbes ainsi que des nématodes et des rongeurs.
De nombreux cas de résistances aux insecticides sont certes anecdotiques, ne concernant qu’un lieu particulier. Par contre, d’autres se sont généralisées au monde entier, comme pour la mouche domestique Musca domestica résistante aux organochlorés ou le Tribolium (ver de la farine) résistant au lindane et au malathion. Le moustique Culex pipiens a développé des résistances élevées aux organophosphorés.
Toutes les familles d’insecticides peuvent induire des résistances chez les insectes. Les pyréthrinoïdes et analogues des hormones juvéniles n’échappent nullement à la règle, avec 6 cas de résistance aux pyréthrinoides en 1976, explosant à 54 cas en 1984.
En revanche, au niveau taxonomique, les différents ordres d’insectes expriment des sensibilités variées. Les Diptères présentent le plus grand nombre de cas de résistance, suivi par les hémiptères (pucerons et punaises). Les Coléoptères, Lépidoptères et Acariens représentent chacun 15 % des cas de résistance. Par contre, les Hyménoptères (abeilles, guêpes) semblent réfractaires au développement de résistance, sans doute pour des raisons génétiques.
En 1984, on connaissait 17 espèces d’insectes et d’acariens résistants aux 5 principaux groupes de pesticides : Leptinotarsa decemlineata le doryphore de la pomme de terre, Myzus persicae le puceron du pêcher, Plutella xylostella la teigne des crucifères, le ver de la capsule, des noctuelles Spodoptera et des espèces d’Anophèles.
La résistance est parfois recherchée : c’est le cas pour l’acarien prédateur Phytoseiulus persimilis utilisé contre les Tétranyques des serres.
Les cultures les plus concernées par les phénomènes de résistance sont le coton et l’arboriculture fruitière. On peut citer le cas de la mouche blanche Bemisia tabaci (Aleurode) dans les cultures de coton de la plaine de Gézira au Soudan au début des années 1980 ou celui des cicadelles du riz en Extrême Orient et dans le Sud Est asiatique. En particulier, en Indonésie, la lutte chimique contre Nilaparvata lugens s’est avérée impossible au milieu des années 1980, obligeant le pays à se tourner vers un concept de protection intégrée des rizières en 1986.
Les facteurs de résistance
Les facteurs favorisant l’apparition d’une résistance sont classés en 3 groupes :
•             Les facteurs génétiques : fréquence, nombre et dominance des gènes de résistance, expression et interaction de ces gènes, sélection antérieure par d’autres matières actives, degré d’intégration du gène résistant et de la valeur adaptative.
•             Les facteurs biologiques : temps de génération, descendance, monogamie ou polygamie, parthénogénèse et certains facteurs comportementaux (mobilité, migration, polyphagie, zone refuge).
•             les facteurs opérationnels : structure chimique du produit et son rapport avec les produits antérieurs, persistance des résidus, dosage, seuil de sélection, stade sélectionné, mode d’application, sélectivité du produit, sélection alternative.
Les deux premiers types de facteurs sont inhérents à l’espèce et ne peuvent être -a priori- modifiés par l’homme, qui ne pourra intervenir qu’au niveau du troisième groupe.
Il est possible d’établir une hiérarchisation des facteurs prépondérants à l’apparition des phénomènes de résistance. Les plus importants sont :
•             le nombre de génération annuelle : le risque d’apparition d’une résistance est d’autant plus grand que la durée du cycle de développement est courte et le nombre de générations annuelles élevé. L’apparition de la résistance est donc liée au nombre de générations ayant subi une pression de sélection continue.
•             la mobilité des populations : l’afflux de migrants diminue fortement la fréquence de la résistance parmi les survivants d’un traitement en diluant les gènes de résistance dans la population.
•             la dominance des gènes de résistance : la résistance apparaitra plus rapidement, en interaction avec la dose appliquée qui va influer sur l’expression de la dominance : pour une faible dose, les hétérozygotes sensibles sont détruits mais les hétérozygotes résistants vont survivre, entrainant une dominance fonctionnelle du gène résistant.
Stratégie de limitation de la résistance
Rappelons que l’augmentation de dose appliquée ne fait qu’accroitre la pression de sélection. De même, la multiplication des traitements ne conduit qu’à éliminer les migrants sensibles susceptible de diluer les gènes de résistance. Il faut donc jouer sur les facteurs opérationnels en cherchant à limiter au maximum la pression de sélection. Dans ce but, il faut :
•             Choisir un insecticide suffisamment différent de ceux utilisés auparavant
•             Respecter la dose d’application
•             L’application doit être localisée dans le temps et dans l’espace
•             Utiliser des produits synergiques
•             Diversifier les méthodes de lutte.
De nombreuses plantes ont été modifiées génétiquement pour être tolérantes à un désherbant total (le glyphosate). Elles contribuent donc à généraliser l’usage de ce désherbant, au risque d’étendre les résistances qui commencent à apparaitre chez certains végétaux.

Résidus

La teneur en résidus de pesticides est règlementée au niveau européen (règlement 396/2005 et ses annexes : règlement 178/2006, règlement 149/2008 et modifications). Ces règlements concernent à la fois les denrées alimentaires (alimentation humaine) et les aliments pour animaux.
Un programme multiannuel de suivi des résidus de pesticides dans les aliments végétaux de la Commission européenne est conduit annuellement, basé sur les résultats d’analyses de plus de 30 000 échantillons prélevés dans toute l’Union européenne.
Les résultats sont disponibles sur le site de la DG Sanco (direction générale de la santé des consommateurs de la Commission européenne) : http://ec.europa.eu/food/fvo/specialreports/pesticides_index_en.htm Pour l’année 2006, la présence de pesticides a été décelée dans 49,5 % des fruits, légumes et céréales placés sur le marché de l’UE, le plus haut niveau de contamination jamais enregistré , selon le rapport de la Commission de Bruxelles mais seulement 4,5 % dépassent les limites règlementaires (rapport publié en 2008).
En France, pour l’an 2004 les contrôles de la DGCCRF (Direction de la Concurrence du Ministère des Finances) indiquent :
•             moins de 4 % des fruits et légumes contrôlés en France présentent des teneurs en pesticides supérieures à la Limite Maximale autorisée
•             Les céréales et les produits céréaliers présentent 2,4 % de non conformité sur 330 échantillons; ces non conformités sont en majorité dues à l’emploi de pesticides lors du stockage des grains, et non à l’emploi au champ.
•             Aucune non conformité n’a été décelée sur les jus d’oranges et les produits à base de fruits ou de légumes destinés à l’alimentation infantile.
Ces résultats sont à insérer dans une réflexion critique sur les circuits économiques de la fabrication et de la commercialisation des pesticides. Parmi d’autres, les auteurs des livres Printemps silencieux (Rachel Carson, 1962) et Pesticides. Les révélations sur un scandale français (2007) ont dénoncé la partialité des commissions d’évaluations des risques et des dommages.

Étiquetage

Chaque produit est assorti à une homologation pour un ou plusieurs usages spécifiques qui doivent être spécifiés sur l’étiquette. La classe de danger doit également figurer sur l’étiquette, représentée par un logo international.
L’étiquetage ici en question est celui du récipient contenant le pesticide. Pour ce qui est des fruits et légumes à destination de l’alimentation humaine, à ce jour, aucune mention des pesticides utilisés pendant les phases de croissance et maturation n’est mise à disposition pour le consommateur final.

Surveillance

Les données commerciales (ventes, commandes) précises et géo-référencées seraient utiles aux épidémiologues et écoépidémiologues, mais elles sont considérées comme confidentielles par les producteurs. Les pesticides volatilisés dans l’air, ou transportés par l’eau et adsorbés sur les particules du sol sont difficiles à suivre. On ne mesure qu’une partie des molécules utilisées, et encore moins les produits de dégradation. Aussi, pour disposer de données et respecter la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information environnementale, certains pays construisent-ils des structures de surveillance à long terme, dont la France avec un Observatoire français des pesticides Observatoire des résidus de pesticides (ORP) créé par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) qui a dès 2007 commencé à mettre en ligne une carte de France interactive donnant accès aux données disponibles sur la présence de résidus de pesticides dans l’air, l’eau, les sols et certaines denrées alimentaires. L’agence encourage les propriétaires de données sur les pesticides à contribuer volontairement à mettre à jour cet outil.

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